Métier & Migration, Lausanne au XIXe siècle

Printemps 2022

Tiré de Recensements communaux et fédéraux.

Table des matières

À propos de nous

De gauche à droite, Florent, Damien, Luca, Pierre, Esha. Photo par Rémi 😻

Introduction

Au XIXe siècle, la Suisse connaît un changement de dynamique migratoire. Petit pays fortement tourné vers l'agriculture, les territoires qui le composent sont à l'origine d'un flux d'émigration marqué depuis le Moyen Âge1. Entre les XIVe et XVIIIe siècles, les territoires qui deviendront la Suisse moderne exportent des contingents de mercenaires vers différents pays européens, France, Allemagne, garde pontificale2.

La révolution industrielle, bien que lente et tardive, va changer considérablement la donne. Entre le début et la fin du XIXe siècle, les flux migratoires entre immigration et émigration vont peu à peu s'inverser. Si ce changement est encore faible, on peut déjà observer certaines tendances qui commencent à se dessiner durant la première phase, autour de 1830-40.

  1. Simon, 2015, p. 95
  2. Lerch et Guerouche, 2021, p. 436

Les besoins de main d'oeuvre

Si les effectifs d'étrangers du recensement de 1845 est encore faible — 446 pour une population qui doit se situer autour des 16'000 habitants1 — on y perçoit déjà une très nette majorité d'Allemands. Ces derniers poussés par le peu de débouchés et les problèmes liés à la croissance démographique se mettent en route pour trouver un emploi. A Lausanne, les chantiers ne manquent pas et le besoin en main d'œuvre se fait sentir. En effet, depuis l'Acte de médiation, le canton de Vaud doit développer son chef-lieu pour être à la hauteur de son nouveau statut. Les Allemands viennent ainsi combler le manque d'effectifs et on les retrouve ainsi parmi de nombreux métiers2.
  1. Statistiques historiques de la Suisse, p. 37, en ligne: https://hsso.ch/
  2. Pavillon, 2003, p. 19

Le développement du chemin de fer à Lausanne

En 1845, on ne recense aucune vocation liée au chemin de fer.

En 1855, on recense deux ingénieurs en chemin de fer ainsi que deux employés de chemin de fer du Royaume-Uni. De plus, on rencontre un ouvrier maçon au chemin de fer de France.

Parmi les activités qui apparaissent et se développent durant le XIXe siècle, le chemin de fer occupe une place de choix. En effet, entre les recensements de 1845 et 1855, outre la création de l'Etat fédéral, la Suisse se dote et développe son réseau et ses infrastructures ferroviaires.1 Ici encore, les chiffres ne sont pas très élevés : un ouvrier du chemin de fer, un ouvrier maçon, deux ingénieurs et deux employés dans spécification. En revanche, ce qui est intéressant de noter, c'est la présence de deux Français parmi les emplois les moins bien qualifiés. Le ingénieurs et employés sont, quant à eux, anglais. On peut donc supposer que le Royaume-uni commence peu à peu à exporter son savoir-faire technique à travers l'Europe.
  1. Arlettaz et Arlettaz, p. 40

Pensionnaires, rentiers et prémices du tourisme

Depuis le XVIIIe la Suisse semble enchanter et attirer par ses paysages montagneux et champêtre. Avec l'avénement du romantisme, ce que l'on pourrait qualifier de premier tourisme se développe à Lausanne. Ainsi, dans les recensements de 1845 et 1855, on retrouve un nombre important d'étrangers parmi les pensionnaires et rentiers. Cette première forme de tourisme se place en digne évolution du "Grand tour"1. Cette élite qui s'installe pour un temps sur les rives du Léman ne manque pas de participer aux multiples activités offertes par la bonne société lausannoise2.
  1. Vuilleumier, 1987, pp. 15-16
  2. Pavillon, 2006, pp. 60-64

Focus sur les gypseurs

En 1855, on recense un gypseur de France, un d'Italie ainsi que trois du Royaume de sardaigne.

Les immigrés français, évolution entre 1845 et 1855

L'observation des quelques élements que nous avons déjà entre 1845 et 1855, laisse imaginer de l'importance du phénomène durant la suite du XIXe siècle. Entre ces deux recensements, nous observons déjà un nette évolution de la population étrangère à Lausanne. Parmi les pensionnaires, les Français prennent de l'importance.

Au-delà de l'Europe, de nouveaux circuits ?

En 1855, on recense cinq personnes provenant de l'Empire Russe, une d'Autrsalie, une du Canada, une des États-Unis d'Amérique, une d'Uruguay, une d'Indonésie ainsi qu'une de Jamaïque.

Si l'on ne peut rien en dire, il est intéressant de noter la présence de quelques étranger provenant de régions très éloignées de l'Europe, comme les USA. Mentions anecdotiques, ces quelques personnes pourraient être les premières traces d'une immigration en provenance d'au-delà des mers.

Quid de la musique ?

En 1845, on recense un musicien de Tchéquie, un artiste de Lombardie-Vénétie et un marchand de musique de Bavière.

En 1855, on recense deux pianistes de Bade et Holstein ainsi qu'un luthier et un musicien de France.

Pour aller plus loin...

Si nous ne pouvons esquisser ici une réflexion complète, ces premiers éléments permettent déjà d'observer quelques tendances qui semblent corroborer les résultats de la recherche actuelle. Cependant, plusieurs problèmes subsistent:

  1. Traiter ainsi les données en les séparant du reste de leur contexte pose problème : le sexe, l'origine sociale, l'absence du métier des femmes des chefs de famille qui n'apparaît pas...
  2. La question de la nomenclature utilisée ; qui décident du terme à employer pour tel ou tel métiers ? Peut-on vraiment tirer des conclusions termes "pensionnaire" ?
  3. L'absence de catégories de métiers (primaire, secondaire, tertiaire par exemple)
  1. Simon, 2015, p. 95
  2. Lerch et Guerouche, 2021, p. 436